Thio (en langue xârâcùù : Tchô ou Xâragùrè) est une commune française de Nouvelle-Calédonie située sur la côte est de la Grande Terre, dans la Province Sud.
L'agglomération centrale comporte deux parties séparées par le fleuve Thio à son embouchure, Thio-Village (rive gauche, 677 habitants) et Thio-Mission (rive droite, 343 habitants). La commune comporte également 13 tribus.
La commune fait partie de l'aire coutumière Xaracuu.
Histoire
Une mission catholique est créée sur la rive droite de l'embouchure de la Thio en 1868, par le père mariste Dominique Moris (1834-1907). La construction d'une église est lancée par le père Simonin en 1880, selon les plans du R.P. Vigouroux, et inaugurée en 1913. Le clocher, rajouté au début du XXe siècle, a été remanié dans les années 1920 pour prendre sa forme hexagonale actuelle. Deux tourelles rondes coiffées de poivrières réalisées par la SLN sont ajoutées par la suite.
Mais l'histoire contemporaine de Thio est avant tout liée à celle de la mine, ayant été la capitale du nickel à partir de 1875 (premier site d'extraction de ce métal au monde), année de la découverte (homologuée en 1876) de la garniérite (par Jules Garnier). La Société Le Nickel (SLN) y est créée en 1880 par John Higginson et Jules Garnier notamment. Le port minéralier est installé à côté de la mission, tandis que deux fonderies vont être exploitées sur le territoire de la commune (avant que toutes les activités de transformation du nickel ne soient regroupés à l'usine de Doniambo à Nouméa) : celle d'Ouroué (1889-1891) puis à Thio-Mission (1912-1930). Le siège social de la SLN est même, de manière éphémère, situé à Thio-Village de 1921 à 1923. Elle reste encore aujourd'hui un haut lieu de l'exploitation de ce minerai par la SLN. Le journal La France australe la surnomme « Nickeltown », et le Bulletin de Commerce pour sa part l'appelle « Thio-lès-Rotschild » (du nom du principal actionnaire de la SLN à l'époque, la famille Rothschild). Considérée comme le centre économique et la plus riche commune de la Nouvelle-Calédonie jusque dans les années 1930, Thio dispose de plusieurs établissements hôteliers (par exemple l'hôtel Sigura) et de courses hippiques réputées qui vont durer jusqu'en 1933, et est régulièrement approvisionnée de biens de consommation et d'équipements que l'on ne trouve pas à Nouméa, par des navires venant directement d'Europe et d'Australie. L'apport de main-d'œuvre étrangère (coolie chinois ou indiens dès 1865, prisonniers du bagne après 1872, Chân đăng vietnamiens à partir de 1891, 1 200 Japonais débarqués du Hiroshima Maru en 1892, Indonésiens à partir de 1895, puis des Réunionnais, Kanak locaux ou venus des Îles Loyauté qui vont être jusqu'à 2 000 à Thio, Néo-Hébridais, voire d'autres migrants européens comme des Yougoslaves) en fait un pôle particulièrement cosmopolite.
La crise des années 1930, la baisse observée de la teneur en nickel du minerai extrait, les cantonnements en Australie ou expulsions des Japonais durant la Seconde Guerre mondiale puis les indépendances successives de l'Indonésie en 1945-1949, du Viêt Nam en 1945-1954 et du Vanuatu en 1980 touchent Thio en la privant d'une partie de sa main-d'œuvre. Ils vont être remplacés à partir des années 1950 par un nouvel apport de population, celui des Wallisiens et Futuniens, et le « Boom du Nickel » va permettre un renouveau momentanée à la fin des années 1960 et au début des années 1970, tandis qu'à la même époque les techniciens et ingénieurs de la SLN adaptent la technique du sondage carotté à la reconnaissance des gisements de nickel. Thio est, de plus en plus, concurrencée par d'autres nouveaux centres miniers d'importance : Kouaoua, Koumac, Poum, Voh, Népoui (à Poya), Goro (à Yaté).
Thio est ensuite, durant les années 1980, l'un des principaux foyers d'affrontements entre partisans et opposants à l'indépendance durant la période dite des « Événements ». La commune, du fait de sa forte proportion de non mélanésiens, est considérée comme un fief anti-indépendantiste (ou loyaliste). Son maire depuis 1971, Roger Galliot, ancienne figure du mouvement initialement autonomiste de l'Union calédonienne (UC), a quitté celui-ci en 1977 lorsque ce parti a officiellement pris position pour l'indépendance sous la conduite de Jean-Marie Tjibaou. Galliot s'est fait réélire à la tête de la commune en 1983 en adoptant une attitude de fermeté vis-à-vis des indépendantistes, et fonde en 1984 la section néo-calédonienne du Front national (FN). Thio est donc vu par les partisans de l'accès à la pleine souveraineté comme un bastion à prendre. C'est ainsi que le Comité de lutte local du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) d'Éloi Machoro commence le 20 novembre 1984 un véritable « siège de Thio » (épisode appelé également « l'occupation de Thio », la gendarmerie étant occupée, des barrages dressés tout autour du village, le drapeau français brûlé en public par Machoro le 30 novembre et les propriétaires européens sont désarmés le 4 décembre). De nombreux actes de violences ont lieu, avec une forte pression psychologique sur les populations polynésiennes, les Mélanésiens non-indépendantistes ou les populations « Caldoches », tandis que le seul incident officiellement reconnu est la mort du boucher du village qui se noie alors qu'il tente de traverser le fleuve à la nage, le pont étant bloqué par un barrage. Le « siège » est finalement levé le 12 décembre 1984, avec l'évacuation par l'armée vers la côte Ouest (et notamment Nouméa) d'une grande partie des non-indépendantistes1.
Ceux restés sur place organisent des milices, encouragés par le FN de Roger Galliot et un autre parti anti-indépendantiste dur, le Front calédonien (FC). Ce dernier tient au début de l'année 1985 ce qu'il appelle le « pique-nique de Thio », en vérité réunion de soutien aux loyalistes locaux près du village qui se termine en affrontements entre les participants et les militants du FLNKS, faisant neuf blessés. Le 11 janvier 1985, la mort d'un jeune « Caldoche » de 17 ans, Yves Tual, neveu de Roger Galliot, tué par des indépendantistes sur la propriété de ses parents à Nassirah (frontière entre Thio et Boulouparis), met le feu aux poudres au sein du camp anti-indépendantiste : de violentes émeutes ont lieu à Nouméa dans la nuit du 11 au 12 janvier. Les commerces de personnalités indépendantistes dans la capitale sont pris d'assauts, incendiés ou pillés : la pharmacie générale (appartenant à l'ancien député et fondateur de l'UC Maurice Lenormand), la station service d'André Dang, entre autres. Les manifestants loyalistes convergent vers le Haut-commissariat, les loyalistes reprochant au représentant de l'État de l'époque, Edgard Pisani (qui a proposé le 7 janvier précédent un projet d'« indépendance association »), et au gouvernement socialiste de Laurent Fabius de favoriser le FLNKS. Le bilan se dresse à 48 blessés et 51 interpellations. D'autre part, Éloi Machoro est tué d'une balle dans la poitrine par un membre du GIGN avec un autre militant indépendantiste, Marcel Nonnaro, dans une ferme de La Foa qu'ils occupaient, le 12 janvier. Le même jour, l'état d'urgence est déclaré et le couvre-feu installé en Nouvelle-Calédonie2. Quoi qu'il en soit, l'évacuation d'une grande partie des non Mélanésiens fait que, de bastion loyaliste, Thio devient en 1985 un fief indépendantiste. Louis Mapéri, du Parti de libération kanak (Palika, autre composante du FLNKS qui milite pour l'accès à la pleine souveraineté par la lutte), remplace Roger Galliot comme premier magistrat à la suite d'une élection municipale anticipée tenue le 29 septembre 1985. (Wikipedia).
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